L’IA est-elle une menace climatique ou un outil de sobriété ? Derrière cette question polémique, un constat s’impose : bien utilisée, l’IA permet de réduire les émissions de CO©ü de 5 à 10 %, et la consommation énergétique de 10 à 20 %, selon McKinsey. Encore faut-il la mettre au service d’une stratégie structurée et pas d’une logique opportuniste.
De la donnée brute à la cartographie carbone Premier levier : la mesure. En croisant données de réservation, modes de transport, géographie des trajets et caractéristiques des flottes, l’IA permet de reconstituer une cartographie fine des émissions, y compris sur le scope 3. Ce champ longtemps négligé devient pilotable. L’optimisation ne repose plus sur des moyennes, mais sur des flux réels.
Chez un grand opérateur de services aux collectivités, la mise en place d’un outil d’IA embarqué a permis de réduire de 18 % les émissions liées aux déplacements internes, en quelques mois. Non pas en supprimant les trajets, mais en les restructurant : mutualisation, anticipation, recours au rail.
Ce niveau de finesse devient un prérequis. Selon CO©üAI/BCG, les entreprises utilisant l¡¯IA pour suivre leurs émissions sont 4,5 fois plus susceptibles de progresser réellement. On ne pilote bien que ce que l’on mesure précisément.
Deuxième levier : la projection. L’IA permet de simuler, d’anticiper, d’arbitrer. Quel itinéraire émet le moins sans allonger les délais ? Quel créneau horaire est le plus bas carbone ? Quelle combinaison taxi + rail est la plus efficace à l’échelle d’un réseau multisite ? L’IA ne remplace pas les arbitrages humains, mais elle les éclaire.
C’est toute la logique du carbon-aware computing : prioriser les usages numériques — ou physiques — lorsque l’énergie est la plus verte. Dans un monde d’énergie intermittente, ce pilotage devient aussi décisif que le contenu des plans climat.
La question de l’impact net reste légitime. L’IA est gourmande en ressources. Sa consommation énergétique pourrait atteindre 134 TWh par an d’ici 2027. Mais ce chiffre ne dit rien sans contexte : tout dépend du mix énergétique, de l’architecture des datacenters, de la conception des modèles. L’IA doit être sobre. Et pilotée.
Troisième levier : la conformité. La directive CSRD impose aux grandes entreprises un reporting extra-financier rigoureux. Les bilans d’émissions approximatifs ne suffisent plus. Il faut des données sourcées, consolidées, vérifiables. Et là encore, l’IA peut être un accélérateur, à condition d’être embarquée dans les bons outils — et pas greffée après coup.
Mais cette transition n’est pas qu’une affaire de technologies. Elle suppose un alignement entre DSI, RSE, direction financière et achats. Sans cette convergence, l’IA restera un gadget ou un alibi. Le pilotage bas carbone commence par une gouvernance claire.
Enfin, l’IA est un levier de transformation : des compétences, des process, des indicateurs. Elle oblige à penser en cycles courts, à ajuster en temps réel, à revoir la notion même de performance. Ce n’est pas une couche logicielle. C’est un changement de méthode.
Finalement, L’IA ne sauvera pas le climat. Mais sans elle, les entreprises risquent de ne plus savoir où elles en sont. Pour piloter la transition, il faut des outils robustes, des données fiables, et une intention stratégique claire. L’intelligence artificielle peut y contribuer — si elle reste au service de l’impact, pas de la fascination.