Imaginez un monde où la maladie de Parkinson pourrait être détectée bien avant les premiers symptômes (tremblements). Un monde où, grâce à l’intelligence artificielle (IA) combinée à l’imagerie médicale, nous pourrions intervenir tôt et changer le cours de cette maladie touchant près de 200 000 personnes en France aujourd’hui et en perpétuelle augmentation (300 000 cas estimés à l’horizon 2030). C’est la promesse des chercheurs de l’Université de technologie de Troyes (UTT), Racha Soubra et Aly Chkeir, enseignants-chercheurs au sein de l’Unité de Recherche LIST3N (Laboratoire Informatique et Société Numérique) qui travaillent actuellement sur une recherche intitulée AMPIATI (Anticipation de la Maladie de Parkinson par l’Intelligence Artificielle et le Traitement d’Images). Cette recherche vise à réinventer la façon dont la maladie de Parkinson est diagnostiquée en utilisant des techniques avancées d’imagerie médicale et d’intelligence artificielle pour détecter la maladie plus précocement. Aujourd’hui, les images cérébrales sont utilisées pour confirmer la présence de la maladie à un stade avancé, en phase symptomatique, lorsque les symptômes cliniques tels que les tremblements des mains ou bien encore les ralentissements des mouvements sont déclarés. Le projet « AMPIATI » a pour objectif de déceler les neurones qui auraient disparus du fait de la maladie de Parkinson, en phase pré-clinique, sans symptômes apparents.
« Nous pensons que notre approche pourrait améliorer la façon dont la maladie de Parkinson est diagnostiquée et traitée. En combinant l’imagerie médicale et l’intelligence artificielle, nous ouvrons de nouvelles perspectives pour améliorer et faire avancer la recherche sur cette maladie invalidante », explique Racha Soubra, enseignante-chercheuse à l’UTT.
« Nous sommes très heureux des premiers résultats de notre projet. Nous avons réussi à mettre en place une méthodologie solide de segmentation pour la détection précoce de la maladie de Parkinson, et nous sommes maintenant impatients d’explorer davantage les possibilités offertes par l’imagerie médicale et l’intelligence artificielle », déclarent Racha Soubra et Aly Chkeir.
Les biomarqueurs sont des indicateurs utilisés pour diagnostiquer la maladie, surveiller sa progression, et évaluer la réponse aux traitements. Malheureusement, à ce jour, les biomarqueurs provenant des images médicales cérébrales ne sont pas utilisés en pratique clinique pour la maladie de Parkinson, rendant son diagnostic particulièrement dépendant des symptômes cliniques. C’est donc là qu’entre en jeu le projet « AMPIATI » qui repose sur l’idée d’utiliser l’imagerie médicale pour détecter les premiers signes de la maladie de Parkinson (i.e. la disparition de certains neurones qui produisent la dopamine), bien avant l’apparition des symptômes cliniques.
En se concentrant sur la segmentation d’une zone profonde du cerveau appelée le striatum qui joue un rôle crucial dans diverses fonctions, notamment le contrôle des mouvements, les chercheurs peuvent, à partir des méthodes de traitement d’images et des modèles de l’intelligence artificielle, identifier et extraire les biomarqueurs de la maladie et déterminer le stade d’avancement de la maladie le plus précocement possible.
Ces formes géométriques servent à illustrer visuellement comment la maladie va évoluer au fil du temps. Chaque étape de la maladie est symbolisée par une forme spécifique. Ainsi, au stade 1 de la maladie, le biomarqueur a une forme carrée, il prend la forme d’un parallélogramme pour le stade 2, évolue en losange au stade 3, puis en trapèze pour le stade 4 et en hexagone pour le stade 5.
La recherche ambitionne grâce à un algorithme d’apprentissage profond (deep learning) et l’analyse des images cérébrales de détecter ces formes spécifiques et de découvrir la forme du « Biomarqueur-0 », représenté dans le schéma sous la forme d’un rectangle et qui serait l’état potentiel avant l’apparition des symptômes de Parkinson et qui pourrait indiquer un risque précoce de développer la maladie. L’utilisation de ces technologies avancées permettra une évaluation précise et automatisée de l’état de progression de la maladie, bien avant que les symptômes ne deviennent apparents pour les patients et les médecins.
En outre, les chercheurs souhaitent modéliser cette approche dans un cadre généralisable, capable de s’appliquer à divers biomarqueurs et types de transformations, facilitant ainsi l’identification de signes précurseurs de Parkinson à l’aide d’un dispositif médical à faible coût, alternatif aux méthodes d’imagerie cérébrale traditionnelles et onéreuses.
« Traiter et analyser les données par des modèles d’intelligence artificielle peut constituer un véritable avantage en identifiant des biomarqueurs-clés capables de différencier les personnes atteintes de la maladie de Parkinson à différents stades (précoce ou avancé, par exemple) et les personnes saines », déclare Racha Soubra.
« Notre projet a pour objectif de prédire le développement de la maladie et de proposer une gestion personnalisée dès ses premiers signes. L’ambition déclarée de cette recherche n’est pas seulement de localiser le biomarqueur initial mais également de le rendre détectable par un dispositif médical innovant et économique qui pourrait révolutionner la prévention et le diagnostic précoce de Parkinson, rendant ainsi le suivi de la santé neuronale accessible à une plus grande population et réduisant la dépendance aux coûteuses imageries cérébrales », précise Aly Chkeir.