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Techniques

Rupture brutale des relations commerciales établies et groupe de sociétés

par Maitres Stéphanie Forest et Sebastien Harel - associé du Cabinet Cornet Vincent Segurel

Publication: Janvier 2016

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Un arrêt vient confirmer, sous l’angle de l’appréciation du délai de préavis, que les relations commerciales nouées par plusieurs sociétés d’un même groupe vis-à-vis d’un même cocontractant ne peuvent pas (sauf exception), être examinées de manière globale...
 

C’est un arrêt important qu’a rendu la Cour de cassation, le 6 octobre 2015 (n° 14-19499), en matière de rupture brutale de relations commerciales établies par des sociétés d’un même groupe. Deux sociétés, exerçant la même activité et dépendant d’un même groupe, avaient rompu, à quelques mois d’intervalle, la relation qu’elles avaient nouée chacune avec le même fournisseur.

L’affaire soulevait la question de l’influence éventuelle de l’appartenance au groupe sur la durée du préavis à respecter au profit du fournisseur commun. En effet, pour rappel, il résulte de l’article L 442-6 I 5° du Code de commerce que, sauf à s’exposer à des dommages et intérêts, il n’est possible de rompre une relation commerciale établie qu’en respectant un préavis.

La durée de ce préavis doit tenir compte de plusieurs critères, parmi lesquels l’ancienneté et l’intensité de la relation.

Pour l’appréciation de la durée, la jurisprudence a également égard au poids que représentait l’auteur de la rupture au sein du chiffre d’affaires global de la victime. De manière générale, plus le courant d’affaires représentait une part importante du chiffres d‘affaires de la victime, plus les juridictions ont tendance à considérer que la durée du préavis doit également être importante.

En l’espèce, le fournisseur victime des ruptures à quelques mois d’intervalle avait assigné les deux sociétés pour obtenir l’indemnisation du préjudice qu’il estimait avoir subi. Pour quantifier ce préjudice, il soutenait notamment que la durée du préavis devait intégrer le fait que les sociétés appartenaient au même groupe et que les effets de la rupture avaient donc été amplifiés. En somme, bien que réparti entre deux sociétés, c’était en fait un chiffre d’affaires global que le fournisseur avait perdu.

La Cour d’appel de Paris avait été séduite par l’argument. Dans son arrêt du 30 janvier 2014, elle avait ainsi relevé que les deux sociétés du groupe avaient « entretenu une relation commerciale sur une même période et sur des produits identiques avec des exigences similaires en termes qualitatifs, que s’agissant de l’une comme de l’autre le chiffre d’affaires entretenu a augmenté de manière importante (….). Elle avait en conséquence considéré « qu’en termes de réorganisation », le fournisseur « avait dû pallier la perte de deux clients importants », ce qui avait nécessairement amplifier le préjudice résultant de ces ruptures, de sorte que la durée du préavis devait en tenir compte. Ainsi, si la Cour s’était bien livrée formellement à une analyse distincte des relations commerciales nouées par chacune des sociétés (nécessité d’analyse distincte qu’elle a confirmé dans un arrêt en date du 20 mars 2014 2014-005437), elle avait cependant considéré qu’il convenait de prendre en compte le chiffre d’affaires global généré par les sociétés pour l’appréciation du délai de préavis.

C’est cette analyse que censure la Cour de cassation : dès lors que la Cour d’appel avait relevé que chacune des sociétés avait entretenu une relation distincte avec le fournisseur considéré, la durée du préavis devait être fixée de manière individuelle et indépendante, peu important l’appartenance à un même groupe et l’exercice de la même activité. La Cour de cassation relève par ailleurs que la Cour d’appel n’avait pas constaté l’existence d’une action de concert entre les deux sociétés du groupe, qui seule aurait pu autoriser à raisonner de manière globale.

Par conséquent, sauf à démontrer que les sociétés ont agi de manière coordonnée (ce qu’il n’est pas aisé d’établir), on peut déduire de cet arrêt que, pour estimer la durée du préavis raisonnable, les juges ne peuvent pas prendre en compte le chiffre d’affaires global généré par les sociétés auteurs de la rupture et appartenant au même groupe. Il convient de procéder à une analyse autonome, société par société.

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