Cependant aujourd’hui, ce modèle ne correspond plus aux attentes des consommateurs qui souhaitent des produits durables, personnalisés, de haute qualité et fabriqués localement. Un défi de taille pour les opticiens-lunetiers. Et, une opportunité majeure pour l’impression 3D qui peut permettre de répondre à tous ces besoins de manière efficace, éco-responsable et accessible, tant techniquement qu’en termes de prix.
Traditionnellement, les lunettes sont produites par fabrication soustractive, réalisée à l’aide d’une machine-outil à commande numérique (CNC). La monture de la lunette est alors réalisée à partir d’un bloc d’acétate de cellulose, auquel on enlève 85 % de matière. Pourquoi un tel gâchis ? L’acétate représente bien des avantages du fait de ses propriétés mécaniques, sa grande résistance à la déformation par la chaleur et à ses propriétés esthétiques. L’injection plastique représente quant à elle un coût trop élevé pour les fabricants et est plutôt réservée aux montures abordables produites en grand volume.
Autre problématique de taille liée à l’aspect durable du secteur lunetier-optique : la gestion du stock. En effet, il est d’usage que les distributeurs commandent énormément de stock afin de réaliser des économies d’échelle importantes. Cependant le stock n’étant souvent pas écoulé dans sa totalité, il n’est pas rare d’observer la destruction d’une partie de ce dernier. Et ce malgré le développement de certaines initiatives promouvant l’écoresponsabilité de ce marché comme le label Optic For Good.
In fine, pour toute paire de lunettes achetée, entre l’enlèvement de la matière et les paires jetées, le gaspillage est considérable. Il est donc impératif que les opticiens-lunetiers, conscients de ces enjeux, adoptent des modes de production écoresponsables tout en répondant à la demande croissante d’un marché.
C’est à ce stade que l’impression 3D présente un intérêt considérable pour le renouvellement de la filière. Produire en impression 3D est un procédé de fabrication additive qui, par son principe, ne génère pas, ou très peu, de gaspillage de matière.
Demain, il est certain que l’adoption de l’impression 3D sera majoritaire dans l’optique-lunetterie. À l’heure actuelle, les acteurs investissant dans ce secteur sont encore peu nombreux, on pense notamment à Luxottica ou Materialise, ou le font de manière anecdotique. En 10 ans, cette technologie a connu de nombreuses innovations, notamment au niveau des matériaux. Ce qui ajoute bien d’autres atouts à ce processus pour les fabricants et plus largement pour notre industrie lunetière en France.
L’impression 3D sera un levier de la réindustrialisation de la France. Outre la volonté des autorités publiques de rapatrier des industries sur le territoire national, il est essentiel d’innover afin que produire en France ne soit pas un frein à la compétitivité.
Le Jura Français était le fer de lance de la lunetterie européenne, au même titre que le Jura Suisse l’est pour l’horlogerie. À la différence, que ce savoir-faire s’est perdu, du fait de la délocalisation des commandes des grands acteurs. Si les sous-traitants de la lunetterie ont mis la clef sous la porte de ce fait, c’est bien les sous-traitants qui ont les clefs de la réindustrialisation de cette filière. Ces derniers sont les premiers à d’ores et déjà intégrer l’impression 3D.
Mais in fine la relocalisation se fera avec plus de proximité, puisque ce sera aux opticiens de se réapproprier le métier de lunettier. L’impression 3D pourra ainsi être directement intégrée dans les magasins. Ils seront alors en mesure de proposer des produits uniques et adaptés. Au lieu d’avoir un stock de 1 200 montures importées d’Asie, ces boutiques réduiront leurs empreintes au sol et leurs coûts de production à la demande.
Dotés de scanners 3D ou en utilisant la méthode traditionnelle de mesure du visage à la main, les opticiens seront de véritables artisans-lunetiers. Garantissant un service de qualité, des tâches intéressantes pour les professionnels et donc un attrait supplémentaire pour la profession et surtout le (re)développement d’un savoir-faire Français.
Actuellement, c’est la règle de l’uniformisation de l’offre lunetière qui est la norme. Par analogie, c’est comme si un magasin de chaussures ne vendait qu’une seule taille de différents modèles. Car la multiplicité des tailles de lunettes est incompatible avec son industrialisation.
Cependant ce verrou industriel ayant conduit à l’uniformisation s’avère être un enjeu de santé publique sous-jacent et peu analysé : celui de la perte d’acuité à cause de lunettes non adaptées. Étudiée par la marque Yuniku (Hoya Vision) et estimée à une vingtaine de pourcents, cette dégradation de la vision nuit sans aucun doute au confort visuel et sa précision… Cette société a été l’une des premières à mettre en place une démarche holistique. En réalisant le design des lunettes dans leur entièreté, le verre avec correction est alors au centre du processus afin de concevoir la monture autour de celui-ci, et non l’inverse. Les lunettes, et plus précisément les verres sont des dispositifs médicaux de correction qui devront à terme se placer au cœur de la fabrication additive.
La personnalisation, qui est désormais rendue possible grâce à l’impression 3D, c’est-à-dire adaptée à la forme du visage, le positionnement des yeux, du nez et des oreilles, l’inclinaison optimale pour bien voir, souffre de freins règlementaires. Aujourd’hui, ces dispositifs sur-mesure sont compliqués à homologuer, du fait de leur unicité. Pour ce faire, il faudrait référencer chaque matériau utilisé, chaque procédé d’assemblage, chaque principe de référencement et que la Sécurité Sociale accepte que toutes les lunettes (verres et montures) produits par ces matériaux et ces procédés soient reconnus comme dispositifs médicaux.
Il en sera de même concernant les nouvelles technologies de smart glasses. L’enjeu sera de sortir de ce schéma d’uniformisation proposé par ces grands acteurs de la Tech pour parvenir à personnaliser et rendre accessible les lunettes. Mais avant de s’attaquer à ce défi 2.0, les opticiens doivent se pencher sur les lunettes traditionnelles. Le sur-mesure, le confort optique ne doit pas être réservé au luxe et à l’hyperpersonnalisation.