Un constat : l’industrie française ne compte pas suffisamment d’ingénieurs et de cadres dirigeants. C’est ce que révèle l’étude du cabinet Robert Walters Management de transition qui a scruté à la loupe les mouvements des cadres dirigeants dans cinq secteurs d’activité clés impactés par la crise sanitaire.
L’agro-alimentaire, la santé et l’énergie ont massivement sollicité des dirigeants dans les opérations et le digital ; l’automobile et l’aéronautique accusent des reculs dans la plupart des fonctions d’encadrement.
Karina Sebti, Managing Director de Robert Walters Management de transition, commente : « Trop dépendante de partenaires étrangers, la France s’est sentie dessaisie de son empreinte industrielle, et de nombreuses industries recommencent à développer leur propre outil industriel, auparavant délocalisé. Les missions en management de transition de réorganisation, de redressement et de retournement devraient désormais s’accélérer dans le secteur industriel, les entreprises ayant désormais plus de visibilité sur les transformations stratégiques à lancer. »
En ligne de front pendant le premier confinement, les directions des opérations de l’agro-alimentaire ont effectivement été sous pression, sommées d’accélérer la production de nombreux produits de première consommation. Ces fonctions ont connu une croissance de 7 %.
Le recours aux managers de transition a apporté des réponses. Cyril Berthelemy, Senior Advisor au sein de Robert Walters Management de Transition, analyse : « Dans les secteurs qui ont connu un accroissement de la demande conséquent et totalement imprévisible, le besoin d’assurer la continuité des opérations s’est fait nettement ressentir. Il a fallu assurer les livraisons et la continuité de la chaîne logistique avec moins de personnel sur site. Les managers de transition ont été largement sollicités dans ce cadre pour assurer la supply chain et gérer les enjeux de distribution. »
Le secteur de la santé, confronté à une chaîne d’approvisionnement sous contrainte, parfois déficiente, a dû se réinventer pour être capable de soutenir la demande. Selon l’étude, les fonctions des opérations et de l’IT ont connu des volumes de recrutements en croissance, respectivement +18 % et +5 %. Deux postes ont été particulièrement recherchés pendant la crise : VP opérations et qualité pour les opérations (+ 24 %) et Chief Technology Officer (+ 11 %). Cette dernière tendance s’explique par la croissance des téléconsultations, la collecte des données patients, le développement de systèmes ERP et d’outils décisionnels liés à la pandémie.
Dans l’énergie, la crise sanitaire n’a pas freiné la tendance à la transformation digitale : les enjeux de connaissance des clients, de télérelève, mais aussi le souhait d’innover dans les services proposés aux clients, ont demandé une forte expertise digitale, notamment en internet des objets (IoT), applications mobiles et interfaces CRM. Les métiers de la direction digitale ont ainsi connu une augmentation des recrutements de 16 % en moyenne et même de + 20 % pour le Head of Digital. L’explosion de la Data a par ailleurs entraîné un besoin accru de compétences au sein des directions juridiques, notamment pour se mettre en conformité avec les réglementations liées au traitement des données personnelles. Les recrutements pour la fonction de Data Protection Officer ont ainsi crû de 8 %.
Avec de nouvelles installations de production d’énergies vertes (éolien, biomasse, biogaz...), le secteur de l’énergie a montré le besoin de se réinventer et a fait appel aux compétences clés de la direction des opérations. Par conséquent, le recrutement de directeurs de sites énergies renouvelables a augmenté de + 16 % en 2020.
L’aéronautique et l’automobile ont été contraintes de réduire fortement leurs cadences de production, voire de les stopper.
Dans le secteur de l’aéronautique, l’étude révèle que les directeurs des opérations ont accusé le coup avec en moyenne une baisse de 15 % des dirigeants dans ces fonctions en 2020, allant même jusqu’à -23 % pour le poste de VP opérations. Le secteur, qui n’a pas fait de la digitalisation de ses outils de production une priorité, a vu le volume de professionnels pour la fonction de Chief Digital Officer reculer de 11 % en 2020.
Dans le secteur de l’automobile, les fonctions IT ont également connu un léger recul (-3 %) qui s’explique par la digitalisation déjà très avancée de ce secteur traditionnellement innovant.
Hugues Roussel, Senior Advisor au sein de Robert Walters Management de transition, constate : « Les secteurs qui ont le plus perdu leurs cadres dirigeants ont multiplié les missions en management de transition pour assurer la continuité de l’activité ou gérer des plans de redressement. »
Les missions des managers de transition Robert Walters sont révélatrices des défis auxquels les cadres de l’industrie font ou vont devoir faire face :
Gérer l’urgence et l’imprévu : 31 % des missions étaient liées à un remplacement de dirigeant suite à un imprévu
Poursuivre la transformation malgré la crise : 27 % des missions concernaient des projets de transformation
Fabien Triaire, Associate Director chez Robert Walters Management de transition, explique : « Hormis dans l’automobile, l’aéronautique et la pharmaceutique, secteurs traditionnellement innovants, beaucoup d’industries ont longtemps considéré l’informatique comme un centre de coût : face à la crise et à l’émergence de la cybercriminalité, ces entreprises, particulièrement vulnérables, se retrouvent aujourd’hui confrontées à des chantiers très importants et ont nécessairement une dette technologique à adresser. »
Innover pour améliorer sa performance : 17 % des missions
Nicole Faboumy, Senior Advisor au sein de Robert Walters Management de transition, constate : « Les problématiques de rentabilité et d’amélioration de la performance globale ont été exacerbées par la crise sanitaire : 2020 a été l’année de la transformation numérique comme levier d’amélioration. La digitalisation des modes de travail s’est ainsi accélérée, et de nombreuses entreprises ont adapté leur modèle économique en se tournant vers des plateformes numériques de e-commerce. »
Réduire les effets de la crise : 9 % des missions concernaient la gestion de la crise, le retournement ou le redressement
Karina Sebti conclut : « Pour accélérer la relance, la France a érigé de nombreux secteurs industriels en priorités stratégiques. Face à la complexité liée à la crise sanitaire et plus généralement à la concurrence internationale, le besoin de cadres dirigeants n’a jamais été aussi prégnant. Le Management de transition va jouer un rôle décisif pour répondre à ces enjeux ».