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Dossiers

Mieux se prémunir des risques d’inondations : est-ce possible ?

Par Sébastien Huard, Responsable de Département Hydraulique, INGEROP

Publication: Février 2018

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La France vient de traverser une nouvelle période de crues qui a généré de dramatiques inondations, provoquant des dégâts matériels considérables et la détresse de milliers de riverains...
 

Les dégâts causés par les inondations de 2016 à peine réparés, qu’un nouvel épisode vient réduire à néant les efforts et les espoirs de familles à bout de nerfs. Or, les experts s’accordent à dire que, dans les années à venir, ces phénomènes vont devenir plus fréquents et plus dangereux. Réchauffement climatique, imperméabilisation des sols, ruissellement urbain, l’activité humaine ne cesse d’accélérer ces phénomènes et surtout aggraver leurs conséquences et les risques pour les populations.

Si les crues sont des phénomènes naturels qu’il n’est pas possible d’empêcher et sur lesquels l’homme n’a qu’une influence indirecte, les conséquences économiques et humaines des inondations qu’elles causent sont en lien direct avec l’activité humaine. En effet, une inondation frappant un territoire peu occupé est de moindre impact qu’une inondation en zone urbaine et densément aménagé : même de moindre importance, elle peut y générer des risques notables, voire catastrophiques. Et, dans ce cas, la responsabilité de l’homme est réelle, car s’il n’a qu’une capacité limitée à gérer la crue, sa capacité à aménager les territoires inondables est en principe beaucoup plus importante.

Comment « gérer » les zones inondables ?

La solution évidente en apparence serait, tout simplement, de ne pas s’y implanter. Malheureusement, cela n’est pas toujours possible ni partout réaliste. Au contraire, le développement urbain provoque une augmentation des risques. L’accroissement du ruissellement, en ville notamment, en est un exemple : imperméabilisation des sols, défrichement et modification de la nature des sols, causent inexorablement une augmentation des risques d’inondations ou de saturation des réseaux pluviaux, d’autant plus que les aménagements ont longtemps été effectués sans une approche globale. Dès lors, la gestion de ces zones doit être pensée autant en termes de prévision et de gestion de crises que de prévention et d’aménagement. Lorsque qu’une crise survient, il est souvent possible de limiter les dégâts en mettant en place des dispositifs d’alerte s et de mise à l’abri des personnes et des biens. Force est de constater, et les récents événements le prouvent, que ce n’est bien évidemment pas suffisant. Mieux gérer ces zones passe par un aménagement adéquat.

Aménagement des territoires : de l’endiguement au laminage

Des années 60 aux années 80, l’essentiel des aménagements a porté sur l’endiguement des cours d’eau et la création d’ouvrages de protection, avec les limites que l’on connait aujourd’hui. En effet, si ces ouvrages canalisent les crues et protègent localement, ils ne le font que jusqu’à un certain niveau de crue. Ces endiguements ont aussi pour effet d’accélérer les eaux et de les transférer plus loin, pour, au final, augmenter les risques d’inondations en aval. Dans un autre esprit d’aménagement il est possible de limiter les débits, par exemple en créant des bassins de rétention qui permettent de stocker temporairement une partie des débits et de les restituer de façon régulée vers l’aval. Si cela s’avère assez efficace pour des petits bassins versants, ça l’est moins à l’échelle de grand cours d’eau où les volumes mis en jeu sont considérables. Il serait alors nécessaire d’équiper le territoire de barrages avec des capacités phénoménales, inatteignables en pratique et par ailleurs très impactantes sur le plan environnemental.

Néanmoins, il existe d’autres moyens. Plutôt que de construire des ouvrages ponctuels, une autre solution est de favoriser les débordements dans des zones sans enjeux préjudiciables, par exemple agricoles ou naturelles, afin de ralentir et de stocker les écoulements, et donc de réduire les débits à l’aval. C’est ce que l’on appelle le laminage, qui est aujourd’hui la nouvelle philosophie d’aménagement des territoires.

Le laminage permet d’étaler la durée des écoulements, ce qui a pour conséquence d’obtenir des débits plus faibles et des hauteurs d’eau moins importantes. Les inondations en sont alors plus limitées. Ce type d’aménagement est un véritable bouleversement et un changement radical de paradigme qui impose une vision plus globale et à une échelle géographique beaucoup plus large, prenant en compte à la fois l’amont et l’aval, de façon conjointe et concertée

Prévenir les risques grâce aux outils numériques

Depuis une dizaine d’année environ, la technologie et de nouveaux outils numériques permettent une modélisation hydraulique fine des crues. Ces outils permettent de représenter le lit habituel du cours d’eau, ses berges, mais aussi ce que l’on nomme le lit majeur, c’est-à-dire les zones sur lesquelles les eaux débordent en cas de forte crue. On peut donc modéliser les inondations et voir comment s’écoulent les eaux, à quelle vitesse, par quelles rues elles passeront, quels obstacles elles vont rencontrer, quels bâtiments vont être impactés et ainsi réaliser une cartographie précise des mécanismes de l’écoulement durant l’événement. Cette approche peut se faire dans le cas d’une inondation provoquée par débordement d’un cours d’eau, mais également en cas d’incidents sur des ouvrages existants comme par exemple, la rupture d’une digue. Cette modélisation permet donc à la fois de mieux prévoir les risques, mais également de fournir les éléments nécessaires à une amélioration de l’entretien et du suivi des ouvrages de protection. Ce type d’études de diagnostic, réalisées par des sociétés d’ingénierie, sont en général initiées par des acteurs locaux, à savoir les Syndicats de cours d’eau et les établissements publics de coopération intercommunale, et souvent suite à des événements ayant engendré des désordres importants. Elles permettent alors d’établir un schéma d’aménagement qui propose des solutions pour apporter une amélioration de la gestion du risque d’inondation en fonction des enjeux concernés et des objectifs à atteindre. Ces aménagements peuvent alors faire l’objet de financements dans le cadre de PAPI (Programme d’Action de Prévention des Inondations), fruit de la collaboration entre les acteurs locaux et l’Etat, ayant pour objet de promouvoir une gestion intégrée des risques en vue de réduire leurs conséquences dommageables sur les personnes, les biens, les activités économiques et l’environnement.

Cela contribue également à l’élaboration de PPRI (Plan de Prévention des Risques Inondations) document établi et approuvé par les services de l’État, qui a pour objectif de caractériser ces risques et de préconiser des mesures visant à réduire la vulnérabilité des biens et des personnes. Le PPRI, document d’urbanisme opposable, définit les règles de gestion des zones potentiellement inondables, à savoir : sur les zones déjà bâties, adapter les constructions ou reconstructions avec des dispositions telles que rehaussement des premiers planchers, assurer une transparence hydraulique, c’est-à-dire trouver des solutions pour ne pas faire obstacle à l’écoulement ou encore geler les parcelles non bâties. Savoir de façon précise ce qu’il va se passer en cas d’inondation, la hauteur de l’eau et sa vitesse, permet également d’améliorer le parc existant en mettant en place des mesures de protection pour minimiser les risques : rehaussement des bouches d’aération, mise en place de protections amovibles au niveau des ouvertures, déplacement des équipements sensibles dans les niveaux supérieurs...etc. Ces solutions favorisent ainsi la résilience du territoire et facilitent le retour à la normale.

S’il est impossible d’éradiquer les risques d’inondation, ces nouveaux outils permettent de mieux s’y préparer et de minimiser les dégâts occasionnés ... et cela vaut pour la crue centennale de la Seine dont la question n’est pas de savoir si elle aura lieu, mais quand et, surtout, si nous y sommes bien préparés.

http://www.ingerop.fr

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