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Actualité des entreprises

Un brevet biopirate est maintenu par l’Office européen des brevets

Publication: Février 2018

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France Libertés s’est opposé en 2015 à un brevet de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD)...
 

Ce brevet, portant sur les propriétés antipaludiques de la plante Quassia Amara identifiées en Guyane grâce à l’apport de savoirs traditionnels, constitue selon nous un cas flagrant de biopiraterie. Par ce brevet, l’IRD s’approprie des savoirs médicinaux et ne reconnait pas l’apport des populations autochtones et locales. Le 21 février 2018, l’Office Européen des Brevets (OEB), chargé de trancher l’affaire, a considéré de manière surprenante le brevet comme valide. Cette décision montre à quel point les droits des peuples sont aujourd’hui encore loin d’être respectés.

Une décision inacceptable

« Ce brevet est un cas flagrant de biopiraterie. Il est inacceptable que l’IRD puisse l’exploiter tout en écartant les communautés qui y sont pourtant à l’origine » s’insurgent les opposants France Libertés, Cyril Costes et Thomas Burelli.

Cette décision met en péril l’utilisation des remèdes traditionnels, l’IRD pouvant en interdire l’usage par les communautés qui les ont découverts.

Le représentant autochtone Tapo Aloïke exclu des discussions

L’IRD a commencé l’audience en refusant le droit de parole à Tapo Aloïke, amérindien Wayana de Guyane désigné par ses pairs comme leur représentant dans cette affaire. Allant à l‘encontre des valeurs qu’ils ne cessent d’afficher sur leurs prétendues bonnes pratiques, l’IRD s’est opposé à ce que les autochtones puissent partager leur avis sur le cas durant l’audience. Les premiers intéressés et auteurs de la découverte se voient refuser le droit fondamental de s’exprimer sur les affaires les concernant.

« L’exclusion m’est apparue comme une confirmation d’une inconsidération flagrante de nous autres les autochtones. » a déploré Tapo Aloïke. « Cette posture condescendante apparaissait déjà chez les chercheurs venus recueillir nos savoirs et qui se sont donc permis cet acte de biopiraterie. De plus, l’IRD en ne proposant aucune solution satisfaisante, mais au contraire en maintenant ses prétentions, ne s’inscrit pas dans une perspective de réconciliation que nous espérions. Cela ne fait que renforcer nos sentiments de marginalisation et d’injustice. »

Les droits des Peuples autochtones ignorés par l’OEB

Les pratiques de l’IRD n’ont pas été sanctionnées par l’OEB. L’absence de consentement, de partage des avantages et de retour aux détenteurs des savoirs traditionnels frappent pourtant d’illégalité le présent brevet. Il est regrettable que cette demande de brevet n’ait pas été jugée comme contraire aux bonnes mœurs et à l’ordre public par l’OEB. L’IRD a bénéficié du flou entourant ces notions juridiques et du retard des Etats européens sur ce point.

« L’OEB n’a pas saisi l’opportunité de se positionner clairement en faveur des droits des Peuples autochtones. Plus de dix ans après l’adoption par l’ONU de la Déclaration sur les droits des Peuples autochtones, il est plus que temps que les différents systèmes de brevet prennent en considération ces droits dans l’étude des demandes de brevet » explique Leandro Varison, juriste à France Libertés.

Toute personne souhaitant accéder aux savoirs traditionnels d’une communauté doit obtenir le consentement préalable, libre et éclairé des détenteurs de ces savoirs et élaborer un protocole d’accord sur le partage des avantages qui découleront de leurs utilisations. C’est une exigence du droit international et des bonnes pratiques de recherche.

Non reconnaissance de l’apport des savoirs traditionnels à la recherche

Encore aujourd’hui, il existe un écart entre les savoirs des scientifiques et les connaissances des autochtones : les chercheurs sont considérés comme les auteurs d’une découverte scientifique alors qu’on réduit les autochtones au rôle de simples informateurs. La décision de l’OEB ne fait que confirmer cette discrimination.

« Maintenant, l’IRD revendique la nouveauté sur cette découverte, sans même pas nous en tenir au courant et alors que celle-ci nous appartient. Cette demande de brevet n’est autre chose que la spoliation de nos savoirs, que la négation des cultures amérindiennes », s’insurgeaient déjà les chefs coutumiers dans une lettre adressée à l’OEB en décembre dernier.

France Libertés espère que le cas Quassia Amara ouvrira un débat qui puisse contribuer à l’établissement d’un rapport plus égalitaire entre le monde de la recherche et les Peuples autochtones, détenteurs de savoirs.

Comme le souligne Tapo Aloïke l’appropriation des savoirs traditionnels représente beaucoup plus qu’un simple dommage matériel, ce sont des éléments qui fondent l’identité et la culture autochtone : « Les savoirs traditionnels des différents Peuples autochtones ont grandement contribué au développement des nouvelles technologies et de la science européenne. Mais nous constatons que ces échanges se font au détriment des Peuples autochtones, sans reconnaissance ni respect des droits ».

Des pratiques de l’IRD aujourd’hui considérées par la loi comme de la biopiraterie

La décision de l’OEB, qui éclaire un cas particulier français, nous permet de rappeler l’existence d’un cadre juridique en France depuis l’entrée en vigueur de la Loi biodiversité en 2017. Cette loi a traduit dans le droit interne français les principes majeurs du droit international relatif aux Peuples autochtones, aux ressources génétiques et aux savoirs traditionnels s’y rapportant.

« Les chercheurs et les entreprises ne peuvent plus se cacher derrière un flou juridique. Aujourd’hui, la façon dont l’IRD a mené ses recherches serait sanctionnée par la loi française », souligne Thomas Burelli, professeur en droit. « Cette décision permettra à l’IRD d’exploiter seul le brevet pendant 20 ans » ajoute Cyril Costes, avocat opposant.

« Nous appelons le gouvernement, et notamment le Ministre de l’environnement, à doter l’Agence française pour la biodiversité de moyens adéquats pour lutter contre la biopiraterie. Et surtout à associer les Peuples autochtones dans cette démarche » conclut Marion Veber.

http://www.france-libertes.org

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